Colloque international
L’expression de la causalité en langue maternelle et en langue étrangère
24-25 septembre 2020
Université Catholique Jean Paul II de Lublin (Pologne)
organisé par :
Urszula Paprocka-Piotrowska (Université Catholique de Lublin, Pologne)
Claire Martinot (Sorbonne Université, France)
Sonia Gerolimich (Université d’Udine, Italie)
Tomislava Bošnjak Botica (Institut de Langue Croate et de Linguistique, Croatie)
Argumentaire :
La causalité est d’abord le résultat d’une interprétation que notre esprit pose entre deux situations, états, événements dont l’un détermine l’autre. La causalité est donc une relation orientée, un type d’enchaînement argumentatif (Carel, 2001, Ducrot, 2001) qui se manifeste de façon très diversifiée dans la langue, y compris sans l’appui (explicite) d’un marqueur comme en (1). On remarque aussi (Gross & Nazarenko, 2004) que l’expression de la causalité est extrêmement variée alors que le nombre des connecteurs que les grammaires considèrent comme spécifiques de la cause (parce que, puisque, car, comme) est réduit.
(1) Pierre est très heureux, il part au Groenland
Un grand nombre de relations causales, mais pas toutes, sont réversibles. Ainsi (1) peut être interprété de façon schématique comme en (2) ou comme en (3) :
(2) P PCQ Q
Pierre est très heureux parce qu’il part au Groenland
(3) Q DC P
Pierre part au Groenland, donc il est très heureux
En ancien français pour (ce que) Q et par (ce que) Q étaient proches (Gross & Nazarenko, 2004 : 19), ce que l’on constate encore dans :
(4) Max a été puni pour son insolence (= parce qu’il a manifesté de l’insolence)
En (5), en revanche, la relation en donc est douteuse :
(5) Chloé aimait le froid parce qu’elle dormait mieux (?? Chloé dormait mieux donc elle aimait le froid)
On se demandera dans quelle mesure la langue distingue les différents types de causalité envisagés par notre pensée : la cause fortuite, factuelle (6 et 7) versus la cause volontaire, humaine (8). Ou encore, si la langue distingue différents degrés de causalité : causalité faible (9) ou causalité forte (10) :
(6) Les rues ont été inondées par des torrents de boue
(= parce qu’il y avait des torrents de boue, à cause des torrents de boue, où la préposition par, introduisant le « complément d’agent » introduit (plutôt ?) un complément de cause)
(7) La lumière apparaît à l’horizon parce que le soleil se lève
(8) Les congères ont été dégagées par des chasse-neige
(= parce que des chasse-neige se sont mis en action)
(9) Tom est très heureux, il ne sait plus quoi dire
(10) Tom est tellement heureux qu’il ne sait plus quoi dire
Ces quelques exemples sont loin d’épuiser les différents types de causalité (corrélation logique (11), relation temporelle (12), circonstancielle (13) …) et les différents moyens dont chaque langue dispose pour exprimer les relations causales :
(11) Plus il y a de brouillard, plus la visibilité est réduite
(12) Quand il y a du brouillard, la visibilité est réduite
(13) Avec le brouillard, la visibilité est réduite
Le questionnement linguistique sur le fonctionnement des relations causales dans toute langue ou entre plusieurs langues constitue l’axe 1 du colloque.
L’axe 2 du colloque sera plus directement lié à la production et à la compréhension des relations causales par des locuteurs spécifiques. En effet, la diversité des moyens mis par chaque langue à la disposition des locuteurs n’implique pas que ces moyens soient utilisés de la même façon par les uns et les autres. Enfants ou adultes, locuteurs natifs ou allophones, en production/compréhension orale ou écrite, sont autant de paramètres qui vont influencer l’expression des relations causales.
Seront bienvenues les communications qui aborderont, dans des cadres théoriques différents, l’acquisition des relations causales :
- par des enfants d’âges différents, dans plusieurs langues maternelles,
- par des enfants ou des adultes ayant des troubles du langage,
- par des adultes allophones en langue étrangère,
- par des locuteurs plus ou moins scolarisés qui produisent le même discours à l’oral et à l’écrit.
Si l’on peut admettre, à la suite de Kant, que la causalité est une catégorie a priori de l’entendement, et qu’elle ne dérive donc pas de l’observation des faits, son expression linguistique reste, en grande partie, déterminée par les moyens linguistiques disponibles dans chaque langue et la capacité de chaque locuteur à comprendre la présence et la spécificité de chaque relation causale dans le discours entendu. Les moyens d’expression de la causalité relèvent donc de l’observation que font tous les locuteurs de la langue qu’ils acquièrent.
Références indicatives :
- Anscombre, Jean-Claude, 1984. La représentation de la notion de cause dans la langue, Cahiers de grammaire, 4, 1-53.
- Benazzo, Sandra, 2004. L’expression de la causalité dans le discours narratif en français L1 et L2, Langages, 155, 33-51.
- Boniecka, Barbara, 1995, Pragmatyczne apekty wypowiedzi dziecięcych. Lublin, Wydawnictwo UMCS.
- Carel, Marion, 2001, Argumentation interne et argumentation externe au lexique : des propriétés différentes, Langage, 142, 10-21.
- Couper-Kuhlen, Elizabeth & B. Kortmann, Bernd (Eds.), 2000. Cause, condition, concession and contrast: Cognitive and discourse perspectives. Berlin-New York, Mouton de Gruyter.
- Diessel, Holger, 2004. The acquisition of complex sentences. Cambridge: CUP.
- Ducrot, Oswald, 2001. Critères argumentatifs et analyse lexicale, Langage, 142, 22-40.
- Gross, Gaston, 2010. Sémantique de la cause, Paris, Vrin.
- Gross, Gaston et Nazarenko, Adeline, 2004. Quand la langue cause : contribution de la linguistique à la définition de la causalité, Intellectica, 2004/1, 38, 15-41.
- Grunig, Blanche-Noëlle et Roland, 1985. La fuite du sens dans l’interlocution, Paris, LAL Crédif, Hatier.
- Jisa, Harriet, Mazur Audrey, 2006. L’expression de la causalité : une étude développementale, Actes du colloque Des savoirs savants aux savoirs enseignés, Namur, Presses universitaires de Namur, 33-60.
- Martinot, Claire, 2013. L’acquisition de la causalité est-elle comparable chez tous les enfants ? Travaux de linguistique, 66, 15-52.
- Nazarenko, Adeline, 2000. La cause et son expression en français, Paris, Ophrys.
- Pilecka, Ewa, 2007. « Mourir d`ennui, s`ennuyer a mort » : quelques problèmes de description et de la traduction de syntagmes prépositionnels circonstants / pseudo-circonstants de cause en français et en polonais, Bulletin de Linguistique Appliquée et Générale, 32, 145-163.
- Sanders, Ted & Sweetser, Eve (Eds.), 2009. Causal categories in discourse and cognition, Berlin, Mouton de Gruyter.
- Van Den Broek, Paul, 1990. Causal inferences and the comprehension of narrative texts, Psychology of Learning and Motivation, 25, 175-196.
Comité de lecture :
- Birtić Matea, Institut de Langue Croate et de Linguistique
- Bramati Alberto, Université de Milan
- De Gioia Michele, Université de Padoue
- Do-Hurinville Danh Thành, Université Bourgogne-Franche-Comté
- Druetta Ruggero, Université de Turin
- Gueorguieva Steenhoute Elena, Institut de sciences politiques de Paris
- Hržica Gordana, Université de Zagreb
- Jo Mihwa, Université autonome de Barcelone
- Karpińska-Szaj Katarzyna, Université Adam Mickiewicz, Poznań
- Marque-Pucheu Christiane, Sorbonne Université
- Muller Claude, Université Michel de Montaigne, Bordeaux 3
- Oraić Rabušić Ivana, Institut de Langue Croate et de Linguistique
- Piotrowski Sebastian, Université Catholique Jean Paul II de Lublin
- Piotrowska-Skrzypek Małgorzata, Université de Varsovie
- Richard Elisabeth, Université Rennes 2
- Romero Clara, Université de Paris
- Stabarin Isabelle, Université de Trieste
- Wojciechowska Bernadeta, Université Adam Mickiewicz, Poznań
- Vecchiatto Sara, Université d’Udine
Modalités d’envoi des propositions de communication :
Les langues du colloque sont le français, le polonais et l’anglais. Les propositions, rédigées dans la langue de communication, sont à envoyer pour le 15 mars 2020 à l’adresse suivante : cause.lublin2020@gmail.com
Les propositions devront avoir une longueur de 600 à 800 mots (nom, prénom, affiliation de l’auteur, titre et références non inclus) et respecter le format Word, police Times New Roman 12, interligne simple.
Le retour des évaluations des propositions et la réponse des organisatrices sont prévus pour le 30 avril 2020.
Un appel à contribution est prévu à l’issue du colloque.
Droits d’inscription : 100€ (50€ pour les étudiants).
Les modalités de payement ainsi que les informations pratiques (voyage, logement, repas) seront envoyées dans la deuxième circulaire.
Une excursion dans les environs de Lublin sera proposée samedi 26 septembre.
Pour le Comité d’Organisation :
Claire Martinot, Urszula Paprocka-Piotrowska,
Sonia Gerolimich, Tomislava Bošnjak Botica