Argumentaire
Les Printemps arabes ont libéré les expressions les plus diverses de
la société. Dans certains pays arabes, les revendications en faveur de
réformes démocratiques et de droits économiques et sociaux ont ainsi été
rapidement investis, voire dépassés, par l’affirmation des identités
régionales, tribales et confessionnelles. La réémergence ou
l'affirmation de nouvelles logiques segmentaires paraissent avoir
affaibli la conception de l’Etat en tant que pouvoir centralisateur,
allant jusqu'à contester sa souveraineté., ce qui a eu comme résultat
une insécurité plus ou moins grande. Dans certains pays où l’Etat est un
héritage direct, dans sa forme, de la politique des mandats (Liban,
Syrie et Irak), cet affaiblissement est ainsi allé de pair avec une
remise en cause tacite de sa légitimité.
Parallèlement aux logiques de fragmentation, les succès militaires de
mouvements se réclamant d'un islam radical témoignent cependant aussi de
la capacité de suggestion exercée par un pouvoir théocratique et
unificateur au point de vue religieux. En Irak, la revendication d'un
califat sunnite devant incarner un islam radical ,s'inscrit dans une
logique unitaire exclusiviste (d'un sunnisme abolissant les frontières
étatiques, qui joue comme élément fédérateur des identités régionales
tout en s'attaquant à la population chiite). Face à cela, la
revendication d'un redécoupage territorial sur des bases ethniques et
culturelles (Kurdes d'Irak, de Syrie et de Turquie, Berbères de Libye
etc.) semblent mal s'accommoder de la préservation de l'unité par la
consolidation de gouvernements d'union nationale comme le montre
actuellement l'exemple irakien. Les conflits armés, comme les
interventions de puissances étrangères concourent ainsi à une
recomposition rapide des paysages politiques et des facteurs de
mobilisation et d'identité.
En Libye, le discours religieux s'est ainsi conjugué à la pluralité
d'allégeances locales, tribales ou régionales consacrant le
fractionnement de la société. Le Yémen, quant à lui, est soumis à au
moins trois formes de segmentarisation : régionale, tribale et
confessionnelle : rébellion huthiste zaydite sur les hauts plateaux du
nord, implantation d’Al-Qaïda en Hadramawt au sud, velléités
autonomistes d’Aden.
Ce colloque vise à analyser les processus de remise en cause de
l’autorité et/ou de la légitimité de l’Etat dans cinq pays arabes
touchés par ce phénomène : Irak, Syrie, Liban, Libye, Yémen.
Il s’agira de comparer les différents processus en cours en les
rattachant à un temps plus long. L’ancrage historique permet, en effet,
d’identifier les prémisses d’un phénomène dont les racines remontent à
la création d'Etats, au 20ème siècle sur le modèle de
l’Etat-nation moderne européen. Le but est de réfléchir ensemble pour
identifier dans les racines historiques des processus de construction
nationale arabes les causes possibles du délitement des institutions
étatiques auquel nous assistons dans les pays considérés, face à la
tenue, réelle ou apparente, d’autres pays de la région, où l’Etat
s’appuie sur des identités plus anciennes, y compris coloniales, et/ou
sur des appareils sécuritaires omniprésents. Cette réflexion nous
permettra d’éclairer le sens des crises politiques et des dérives
actuelles dans la violence les plus graves que le monde arabe ait jamais
connu.
Le colloque serait ainsi le point de départ pour un projet de recherche inédit.
Notre démarche s’appuie sur la dimension internationale et
interdisciplinaire de nos recherches et s'adresse à l'ensemble des
sciences sociales (anthropologie, histoire, sciences politiques et
sociologie notamment). La publication des Actes sera assurée, comme pour
notre dernier colloque (Les transitions arabes. La place de l’islam dans les polarisations politiques et confessionnelles, Paris, 26-27 mars 2014), par Roma TrE-Press.
Paris - Rome, 29 septembre 2014
Anna Bozzo (Roma Tre) et Pierre-Jean Luizard (CNRS/EPHE/GSRL)
Le colloque se tiendra à Rome, les 23 et 24 avril 2015
Modalités pratiques d'envoi des propositions
Les propositions de communication, rédigées en français ou en anglais, d’environ 1500 signes, devront parvenir
avant le 31 octobre 2014,
accompagnées d’une brève biographie de l’auteur-e (350 signes environ) aux deux adresses suivantes :
Les notifications d’acceptation seront envoyées avant le 30 novembre 2014.
Les chercheurs sélectionnés doivent néanmoins savoir que l’aide
financière couvrant les frais de participation au Colloque peut être
proposé à un nombre limité de participants. Aussi, chaque personne
intéressée est invitée à solliciter les financements nécessaires auprès
de son Institution de rattachement. N’hésitez pas à nous contacter pour
toute question complémentaire.
Comité organisateur
en partenariat avec
Comité Scientifique
Lieux
Contacts